La maquina de abrazar

ROMAN

Un voyage dans l’univers de l’autisme, un long voyage, du silence jusqu’à la parole, de la solitude jusqu’aux gens… de l’obscurité jusqu’à la lumière, une obscurité lumineuse… vers la clarté partagée. Iris voit le monde d’une autre perspective et découvre alors de nouvelles nuances de ce que nous, nous appelons réalité. Toutefois, la réalité est plus vaste que le monde que nous avons créé, surtout avec nos propres mots.

« Je considère le spectateur comme un être humain adulte, en mesure d’apporter, à partir de sa perception du spectacle, à partir de son regard, tout ce que l’œuvre ne dit pas mais suggère. Je fais appel à un spectateur intelligent –non pas intellectuel – qui pourra s’interroger sur ce que le texte propose à partir de sa propre expérience, en quête d’une complicité. » José Sanchis Sinisterra.

MIRIAM
Bon, Iris : c’est ton tour. Moi, j’ai déjà dit tout ce que j’avais à dire. Je resterai ici, avec toi, pour si tu as besoin de me demander des précisions, mais… tu fais comme si je n’étais pas là.
(Silence. IRIS observe la plante.)
Je peux aussi m’en aller, si tu préfères. Ce n’est pas la première fois que tu parles devant un public. (Pause.) Dis-moi : qu’est-ce que tu préfères ? Je reste… ou je te laisse seule ?
(IRIS ne l’écoute pas. Elle semble, par contre, chuchoter quelque chose à la plante. Légère inquiétude de MIRIAM. Enfin, IRIS accepte d’un signe de tête et interpelle le public.)
IRIS
Cette patience des végétaux… (Pause.). Eux l’ont choisie, oui. Et leur quiétude. Depuis des millions d’années. Tellement de soleil, tellement de lumière, n’est-ce pas ? Et la terre toujours là, prête à les nourrir. Prête à les nourrir. Que désirer de plus ? (Pause.) Les autres, par contre : bouger, chercher, poursuivre, attaquer, dévorer… Des chasseurs et leurs proies. Jour et nuit. Pendant des millions d’années. Les autres. Nous. Des chasseurs et leurs proies. (Pause.). Nous avons choisi l’angoisse. J’étais là, je le sais. Tapie. Entre leurs crocs, entre leurs griffes. Immobile. (Elle regarde à nouveau MIRIAM, qui observe la salle, inquiète. Elle continue à s’adresser au public, mais maintenant avec la fluidité et le « style » de Miriam.) L’immobilité ne figure pas parmi les symptômes qui caractérisent le comportement de l’enfant autiste, et que le docteur Uta Fritz a mentionné dans son ouvrage Autism. Explaining the Enigma, de 1989. À savoir, l’étrange façon de marcher, le contrôle insuffisant de la voix, le visage apparemment inexpressif, les battements de main, la répétition des actions, le manque de spontanéité, l’insistance thématique et la déficience sociale, entre autres… (Pause.) Il est probable que la jeune Iris de Silva ait montré certains de ces traits caractéristiques. Et peut-être même tous. Mais nous pouvons affirmer, sans aucun doute, que le plus évident était son immobilité… et le plus persistant également. Elle restait des heures et des heures sans à peine bouger, sous le regard angoissé de sa mère, qui malgré tous ses efforts ne parvenait jamais à capter l’attention de l’enfant, séquestrée dans on ne sait quelle grotte inaccessible. (Souriante, elle regarde MIRIAM, qui l’observe étonnée. Elle se tourne à nouveau vers le public.) Ni elle ni personne ne pouvait soupçonner que l’attention d’Iris était tournée vers un soutien beaucoup plus proche et familier : le bégonia aux fleurs roses qui respirait, serein et comme heureux, près de la fenêtre…
MIRIAM
Bueno, Iris: es tu turno. Yo ya he dicho todo lo que tenía que decir. Me quedaré aquí, contigo, por si necesitas pedirme alguna precisión, pero… como si no estuviera.
(Silencio. IRIS observa la planta).
Puedo irme también, si quieres. No es la primera vez que hablas en público. (Pausa). Di: ¿qué prefieres? ¿Me quedo… o te dejo sola?
(IRIS no la escucha. Parece, en cambio, estar susurrando algo a la planta. Ligera inquietud de MIRIAM. Por último, IRIS asiente e interpela al público).
IRIS
Esa paciencia de los vegetales… (Pausa). Ellos la eligieron, sí. Y la quietud. Hace millones de años. Tanto sol, tanta luz, ¿verdad? Y la tierra ahí, que sustentaba. Que sustentaba. ¿Para qué más? (Pausa). Los otros, en cambio: moverse, buscar, perseguir, atacar, devorar… Cazadores y presas. Día y noche. Durante millones de años. Los otros. Nosotros. Cazadores y presas. (Pausa). Elegimos el ansia. Yo estaba allí, lo sé. Agazapada. Entre las fauces, entre las garras. Inmóvil. (Se vuelve a mirar a MIRIAM, que otea preocupada la sala. Sigue hablando al público, pero ahora con la fluidez y el «estilo» de Miriam). La inmovilidad no figura entre los síntomas que caracterizan la conducta del niño autista, y que la doctora Uta Fritz enumeró en su libro Autism: Explaining the Enigma, de 1989. A saber: forma de andar extraña, pobre control de la voz, rostro aparentemente inexpresivo, movimientos de aleteo con las manos, acciones repetitivas, falta de espontaneidad, perseverancia temática y deficiencia social, entre otros… (Pausa). Es posible que la pequeña Iris de Silva mostrara algunos de estos rasgos típicos. O quizás todos. Pero puede afirmarse, sin lugar a dudas, que era la inmovilidad el más evidente… y el más persistente. Horas y horas permanecía sin apenas moverse, bajo la mirada angustiada de su madre, que se afanaba en vano para rescatar la atención de la niña, secuestrada en quién sabe qué gruta inaccesible. (Mira sonriente a MIRIAM, que la observa asombrada. Vuelve a hablar al público). Ni ella ni nadie podía sospechar que la atención de Iris descansaba en un soporte mucho más próximo y familiar: la begonia de flores rosadas que respiraba, serena y casi feliz, junto a la ventana…